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Jacqueline Thome Patenotre






La grand-mère paternelle de Jacques (Yvonne Thome) avait une cousine germaine peu banale : Jacqueline Thome Patenôtre; pour les plus anciens, ce nom vous évoque surement une période de la vie politique française, les autres vont découvrir "un sacré personnage" comme la qualifie son arrière petit cousin.

Jacqueline Thome est née le 3 février 1906 à Paris dans une famille assez aisée, quatrième génération d’une famille au destin peu ordinaire.

Les Thome sont originaires de Bagnols-sur-Céze, dans le Gard. Le premier ayant marqué son époque est Joseph, l’arrière grand père de Jacqueline.


Joseph est né dans une famille très pauvre. Il quitte Bagnols-sur-Cèze en 1830, baluchon sur l'épaule, travaille en cours de route pour subvenir à ses besoins, puis arrive à Paris en 1831, où il s'engage comme terrassier au Fort de Vincennes. Il entreprend des ravalements et des restaurations de façades et est vite promu chef de chantier. Il a le souci de se cultiver intellectuellement et professionnellement. Ses économies lui permettent de fonder une petite entreprise de constructions en 1838. La même année il épouse la fille d'un miroitier qui deviendra son infatigable collaboratrice. Son entreprise regroupera tous les corps de métiers du bâtiment, et, grâce au général Teste qui le présentera au baron Haussmann, il édifiera avec ses 700 ouvriers, des centaines de maisons et d'immeubles, dont notamment : la Mairie de Montrouge, les immeubles des avenues d'Iéna, Marceau, de l'Alma, du Trocadéro, Bosquet et de la rue de Rennes. Le 14 juillet 1870, le conseil municipal de Paris sollicite pour lui la Légion d'Honneur pour sa participation aux embellissements de la Capitale. Il fut nommé chevalier de la Légion d'Honneur, le 5 novembre 1877, en raison des travaux considérables, entrepris par lui, en 22 ans de service, pour la ville. Il n’oublia pas sa ville natale en étant la providence de nombreux bagnolais : il dota les institutions charitables, contribua au développement de l'instruction communale, il créa même un square sur l'emplacement du plus vieux quartier de Bagnols; la ville de Bagnols-sur-Céze lui rendit hommage par un monument inauguré le 22 avril 1900 avec un buste sculpté par Marqueste, ainsi qu’un boulevard portant désormais son nom. Joseph est mort à 87 ans en laissant une fortune considérable (60 millions de l’époque).

Son fils, Eugène Thome, le grand père de Jacqueline, est le premier à naître à Paris; il fera construire le château de Pinceloup, à Sonchamp, au sud est de Rambouillet.



Avec ses clochetons, sa toiture aux éléments variés, sa serre, sa volière, sa glacière, son manège, son pavillon de gardien et ses 365 fenêtres, il évoque la vie fastueuse et raffinée de la fin du XIXe siècle.


Son fils André Thome (le père de Jacqueline) est né le 24 octobre 1879, il fût avocat, administrateur de société et propriétaire foncier. Il devient maire de Sonchamp en 1908 puis député aux législatives de 1914. Il est volontaire pour partir au front dès le début de la première guerre mondiale et obtient d’aller en première ligne. Il meurt à Verdun le 10 mars 1916.



Jacqueline a alors 10 ans. Du coté des Dervaux, sa famille maternelle, l’héritage n’est pas moins prestigieux puisque son arrière-grand-oncle participa à la création de la compagnie de Saint-Gobain. Son grand père, Ernest Dervaux, fut à la tête d'une usine métallurgique à Condé sur l'Escaut et présida le conseil général du Nord.
Après la première guerre mondiale, sa mère ouvre un salon fréquenté par des hommes politiques, et la jeune Jacqueline Thome y rencontre André Tardieu, Louis Barthou ou Aristide Briand. Elle accomplit ses études secondaires à l'école laïque de Knoerzer et Gérard, à Paris, où elle obtient son baccalauréat ès lettres.
La mère de Jacqueline, Marthe Dervaux, se remarie quelques années après son veuvage, avec un américain, James Hazen Hyde, et décède à New York le 9 octobre 1848.
C’est dans cette mouvance franco américaine que Jacqueline rencontre Raymond Patenôtre, né lui-même à Atlantic City en 1900, qui est le fils du premier ambassadeur de France à Washington. Jacqueline se marie en 1925, alors qu’elle n’a que 19 ans. Leur premier fils, Eric né presque tout de suite, suivi d'une fille, Nelly, en 1929. Raymond Patenôtre est un homme riche, haut magnat de la presse : il a acheté entres autres Le Petit Journal et Marianne.
Le couple se lance en politique. C’est lui qui commence : il est député de Seine et Oise, de 1928 à 1940, puis sous secrétaire d’état en 1932 et enfin ministre de l’éducation nationale en 1938. Paul Boncour parle de Raymond en ces termes :
"il était devenu d’usage de le prendre dans les combinaisons ministérielles, on le prenait pour sa fortune et l’influence dont il disposait dans pas mal de journaux".
Jacqueline Thome-Patenôtre seconde alors activement son époux dans sa carrière publique. Elle se préoccupe du développement social de sa circonscription en participant à la création d'écoles et colonies de vacances, et milite au sein de mouvements féministes en faveur de l'égalité des droits politiques. Elle fréquente par ailleurs, entre 1932 et 1939, Edouard Daladier, Camille Chautemps et Léon Blum.

Après la libération, Jacqueline se consacre à la politique, alors que les femmes viennent tout juste d’acquérir le droit de vote et d’être éligibles (29 avril 1945). En avril 1945, elle est élue au conseil municipal de Sonchamp puis elle conquiert, en septembre de la même année, le canton de Dourdan-Sud sur la liste du RGR. Elle est ensuite candidate, sans succès, aux législatives du 10 novembre 1946 dans le département de Seine-et-Oise. Elle conduit alors la liste du RGR aux élections au Conseil de la République du 8 décembre 1946. Nettement devancée par l'union républicaine et résistante du communiste Serge Lefranc (38,6%) et le MRP (35%), sa liste arrive en troisième position avec 12,6% des suffrages exprimés. Jacqueline Thome-Patenôtre emporte néanmoins le premier siège au titre de la répartition interdépartementale. Autre satisfaction, elle abandonne en octobre 1947 le conseil municipal de Souchamp pour la mairie de Rambouillet ( Ce qui en fait une des premières femmes maire en France ) qu'elle ne quittera qu'en 1983, après avoir occupé durablement son siège de conseiller général de Seine-et-Oise puis des Yvelines de 1945 à 1979.

Elle résumera son action politique dans une interview parue en 1856 :
"Les femmes ont conquis le droit de connaître, de savoir, d’exprimer leur opinion, et de participer à la gestion du pays. Il est donc urgent de les intéresser aux problèmes généraux, et ne pas les cantonner uniquement sur des sujets spécifiquement féminins".
Un an plus tard, elle est nommée par ses pairs sénateur de Seine et Oise, poste qu’elle conservera jusqu’en 1958; elle est réélu 4 fois à ce poste.

Là encore elle entend occuper une place à part entière dans les travaux de cette assemblée :
"Dès l’année qui suivit mon élection au Sénat, je demandais à permuter de la Commission de la Presse où l’on m’avait casée parce qu’il y restait une place non enviée à celle qu’on appelait alors la Commission de la Reconstruction... Timidement, je demandais de temps en temps la parole pour évoquer l’immense armée, grandissante chaque année, de ceux que j’appelais les sinistrés sociaux du logement".
Elle représente également la commission des affaires étrangères à la sous-commission chargée de suivre et d'apprécier la mise en œuvre de la convention de coopération économique européenne et du programme de relèvement européen.
Son travail intense consacré aux questions de logement lui permet d'entrer au Gouvernement en avril 1957 : elle est nommée sous secrétaire d’état à la reconstruction et au logement dans le gouvernement Maurice Bourgès-Maunoury, le Président du Conseil. Rappelons que les femmes sont entrées au gouvernement avant même d’avoir le droit de vote, en 1936 Leon Blum avait nommé plusieurs femmes secrétaire d’état.

Membre du Parti radical-socialiste, elle fut également présidente du Rassemblement des femmes républicaines (RFR), organisation liée au Rassemblement des gauches républicaines. En novembre 1957 le premier ministre (à l’époque c’était un président du conseil) est Félix Gaillard : il a 38 ans, ce qui en fait le plus jeune premier ministre de France depuis Bonaparte; depuis, seul Laurent Fabius lui a ravi ce titre. Coïncidence, Félix Gaillard avait épousé Dolorès Delepine, la seconde épouse et veuve de Raymond Patenôtre le premier mari de Jacqueline. Felix Gaillard a connu une fin tragique : il est décédé le 9 juillet 1970 dans l’explosion de son bateau de plaisance au large des côtes bretonnes.
Jacqueline Thome Patenôtre s’intéresse aussi à la condition des enfants et dépose un projet de lutte contre le problème des enfants martyrs. Sa proposition de loi sera adoptée en 1971.

Elle quitte son poste de sénateur pour celui de député, de Seine et Oise puis des Yvelines, quand les départements sont modifiés en région parisienne. Sur sa fiche d’identité à l’assemblée nationale, elle est enregistrée comme exploitante agricole.
Elle exerce son mandat de député pendant 20 ans de 1958 à 1978, dont 8 ans de 1960 à 1968 comme vice présidente de l’assemblée Nationale. A la même époque elle cumule les mandats puisqu’elle est également Conseiller général de Dourdan et de Saint-Léger-en-Yvelines, poste qu’elle occupera de 1946 à 1979. Durant son mandat, elle travaille avec un autre député, Marcelle Devaud, pour obtenir une loi sur l’égalité complète homme / femme dans la gestion des biens du mariage. Malheureusement leur déception est grande quand le Sénat rejette cette proposition en disant que la différence de statut est "dans nos mœurs françaises".
Elle sera également, une des premières femmes à faire parti du Haut Comité des sports. Son parcours l’amènera également à être présidente de la SPA, c’est à ce titre qu’elle fera adopter en 1976, la charte de l’animal.
Jacqueline Thome-Patenotre est aussi une européenne convaincue. Présidente du groupe d'amitié parlementaire France / Etats-Unis au Sénat. elle est reçue en octobre 1956 avec six parlementaires par le Président Eisenhower et écrit à son retour :
"Plus que jamais, en étudiant la structure géographique, économique et démographique des USA, on se rend compte que, seule, une Europe unifiée peut sauver les nations européennes de la décadence".

En 1984, elle abandonne la mairie de Rambouillet pour se présenter aux élections Européennes, poste qu’elle occupera de 1984 à 1989; elle est alors la doyenne des députés européens ce qui ne l’empêche pas de présider plusieurs commissions.
Il se murmure en coulisse que le mot abandon est bien le bon : "Jacqueline Thome-Patenôtre aurait "vendu sa mairie" au parti gaulliste en échange d'une place éligible de députée européenne sur la liste de Simone Veil de 1984".
Elle tenait vraiment à ce poste et à défendre la cause européenne. Dés 1958, elle avait déjà été nommée membre de l’Assemblée des communautés européennes et avait encouragé les communes à conclure des jumelages entre villes d’Europe "pour que les peuples se rencontrent".
La même année en 1958, elle avait reçue la coupe du parlementaire le plus courtois.
Le 11 octobre 1980, Alain Poher lui remet les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur à l’Hôtel de ville de Rambouillet, la ville dont elle fut maire pendant 36 ans.


Elle décède dans sa ville de Rambouillet le 2 juin 1995 à l’âge de 89 ans.
"Le Parlement est une école de patience. C’est aussi à la fois un métier et un apostolat, qui réserve satisfactions et déboires. Je voudrais ici prendre la défense de ceux qui sont si souvent injustement décriés, car nombreux sont les parlementaires qui ont à cœur de remplir avec conscience le mandat qui leur a été confié. Pour une brebis galeuse, dont on parle avec complaisance, il y en a cent, connues ou inconnues, qui remplissent leurs fonctions avec scrupule".